Abstraits (1/3)

1967

Dans les toiles de Michaël Aram un coup de vent couche parfois ou soulève passionnément les formes et les couleurs. Mais la tempête, toujours menaçante est contenue. Les compositions rigoureuses de ce peintre, dès qu’on y regarde d’un peu plus près, sont comme une solide charpente bâtie pour résister à la violence des émotions. Mais non pas pour les étouffer. Elles sont aussi une demeure où les sentiments maîtrisés sont accueillis chaleureusement, où ils peuvent chanter sans dommage. Ces émotions courent de l’angoisse à la joie, d’où deux séries de toiles, et mêmes trois. Dans la troisième interfèrent les couleurs, la lumière, les mouvements des lignes des deux autres. Michaël Aram est un juif d’origine autrichienne, devenu Berlinois, puis Israélien, naturalisé Français. Cette histoire n’explique pas tout mais fait comprendre beaucoup. Regardez cette toile : Charles le Téméraire devant Nancy. Certes nous n’y voyons ni le duc de Bourgogne de l’histoire de France ni la ville de Nancy. Mais ces gris et ces bleus givrés, ces cernes noirs, ces formes couchées, écrasées, c’est sûrement la cuirasse brillante, les grandes espérances d’un Téméraire magnifique. Et c’est en même temps Téméraire mort, cadavre gelé et nu d’un homme quelconque que dévorent les corbeaux dans le sombre hiver. D’autres morts aussi. Ces noirs éclairs du pinceau d’Aram sont la sombre trace de tous les supplices qui hantent l’esprit d’un peintre juif survivant de l’immense hécatombe. Pendant des années, Aram, installé en France, a peint sans se lasser les toits de Paris, des toits bleus, des toits gris, des forêts de toits métalliques. La parenté entre ces toits et les grandes compositions abstraites qu’elles annoncent par leurs teintes et leurs lignes est manifeste. On dirait qu’Aram, comme un oiseau épuisé par une terrible migration, reprend son souffle au sommet d’un paysage qui n’est pas encore hospitalier mais qui n’est plus mortel. Il reprend souffle mais l’apaisement n’est pas immédiat. Les toits de Paris sont un havre mais ils ont un peu la forme et les couleurs de l’univers de désolation où le migrateur a failli périr. A l’abris de ces toits – il vit sous l’un d’eux – il retrouve la force de reconstruire le monde. Mais il lui faut d’abord repenser le passé, le laisser se tordre et précipiter vers lui en des visions violentes. Et peut-être en même temps exorciser l’avenir : orages cosmiques dans ces espaces interstellaires, machines inconnues, jaillissements nucléaires. Passé, avenir, le monde reste un hiver inhospitalier. … / …

1960 – Huile sur toile – 80 x 60 cm
Paris – Collection particulière

1962 – Huile sur toile – 80 x 60 cm
Paris – Collection particulière

1964 – Huile sur toile – 80 x 60 cm
Paris – Collection particulière

1965 – Huile sur toile – 80 x 60 cm
Paris – Collection particulière

1965 – Huile sur toile – 80 x 60 cm
Paris – Collection particulière

1963 – Huile sur toile – 80 x 40 cm
Paris – Collection particulière

1963 – Huile sur toile – 80 x 60 cm
Paris – Collection particulière

1964 – Huile sur toile – 80 x 60 cm
Paris – Collection particulière

1965 – Huile sur toile – 80 x 60 cm
Paris – Collection particulière

Huile sur toile
Los Angeles – Collection particulière